« Sur le papier, c’est un échange dansant. En réalité, notre société actuelle nous fait envisager ces quelques jours comme un échange
avant tout humain. Et elle n’a pas tort, car les divergences de langues, cultures, religions et modes de vie ne sont pas moindres,
nous reconnaissons tous notre méconnaissance de l’autre mais avons aussi chacun l’envie de le rencontrer, de le découvrir afin de mieux comprendre notre monde. Pourtant, si nous mettons entre parenthèses le pourquoi du projet, nous ne sommes en fait que des individus venus pour danser. Partager notre vie quotidienne n’a en soi rien d’exceptionnel, nous mangeons, dormons, marchons et parlons ensemble comme tout être humain est à même de le faire, mais néanmoins cela prend une dimension singulière et remarquable du fait
de la situation mondiale d’aujourd’hui. J’ai déjeuné avec des catholiques, me suis brossé les dents avec une musulmane, ai partagé mon lit avec une juive, et pris le tramway avec des athées. Tout est normal, et en même temps rien ne l’est. Ce paradoxe est à la fois beau
et douloureux, car il nous rappelle nos racines communes et laisse notre curiosité nous imprégner et apprendre de nos différences,
mais dans un même temps il nous rappelle aussi l’état actuel de notre planète et du rapport navrant qu’entretiennent ses habitants.
Ce dernier constat, bien que désolant, nous permet cependant de donner pleinement sens à ces cinq jours de vie commune,
et de construire un collectif aux relations sincères. La danse, peut alors ne sembler être qu’un prétexte au milieu de cette richesse interculturelle, et pourtant, elle est tout le contraire. En dansant, nous laissons parler un langage qui dépasse largement les mots,
un langage universel qui ne nécessite pas de traduction ni d’intermédiaire pour le comprendre. Les corps s’expriment librement
et pleinement. Enfin affranchis des codes culturels qui les différencient en société, et donc libérés d’un perpétuel jugement qui pèse
sur eux, rien n’est plus émouvant que de constater que tous les corps sont au même rang d’égalité. Et en dépassant les frontières,
les cultures, les religions et les langues, le partage se simplifie et se transforme en un partage sincère, vrai, et pleinement humain. »